Canadian Chronic

Publié le par François Bernard

Le temps passe bien vite mes ami(e)s, voilà déjà un mois que je me promène au Canada et il est temps de vous envoyer quelques nouvelles. 

Je commence mon aventure canadienne par la province la plus occidentale du pays, appelée Colombie Britannique, grande comme 2 fois la France, baignée à L'ouest par l'océan pacifique et bordée à l'est par le prolongement des montagnes rocheuses américaines. Au nord, le mythique Yukon et l'Alaska réservent leurs immenses richesses aux âmes aventureuses et/ou éprises de solitude.

La ville principale et point de départ de ce voyage est Vancouver, une ville fondée il y a à peine un siècle et demi, comme la plupart des villes de l'ouest nord-américain. La côte pacifique fut la dernière partie du continent à être colonisée par les vagues successives d'immigrants arrivés au gré des guerres, des famines ou de ces innombrables destins d'hommes et de femmes poussés parfois par la curiosité ou le désir d'aventure ou le plus souvent par la nécessité, voire la survie.

Vancouver, comme le reste du Canada, abrite cette somme de destins qui désormais forment une société dynamique, pluriethnique et multiculturelle. De part son ouverture naturelle sur le pacifique, la ville a connu un afflux très important de population asiatique, en particulier depuis le retour de HongKong à la Chine populaire. Le Canada a une politique d'immigration assez pragmatique, accordant la double nationalité aux résidents étrangers (alors que les USA exigent un choix définitif), et facilitant de fait la continuité d'échanges culturels et économiques avec le pays d'origine.

Si la Colombie Britannique veut faire des JO d'hiver de 2010 le symbole de cette réussite, il ne faut pas oublier de regarder parfois de l'autre côté de la médaille, dans le ghetto du Downtown Eastside, qui compte le plus fort taux de toxicomanes séropositifs d'amérique du nord, ou dans les nombreux sujets environnementaux qui émergent dans le sillon de l'expansion territoriale et du développement immobilier parfois incontrôlé de la province.

J'ai passé de bons moments à Vancouver, même si la ville n'est pas à priori ce que je suis venu chercher ici. Mon amie Irène m'a accueilli à bras ouverts, avec cette chaleur des gens du Sud qui fait parfois défaut dans les grandes villes où chacun(e) a toujours une bonne raison d'être pressé et de ne pas te dire bonjour dans l'ascenceur de sa résidence hyper-sécurisée du centre ville. Néanmoins, la ville est agréable car bordée par l'océan. Il y a toujours ce petit fond d'air marin, en particulier dans Stanley Park, îlot de forêt humide parcourue par d'innombrables sentiers et refuge d'une faune semi-sauvage qui fait le bonheur des photographes animaliers et des joggeurs. Les soirs et weekends, les plages et pelouses se couvrent d'une faune intéressante, des accros du barbecue aux hystériques des abdos fessiers. C'est assez drôle de voir 50 personnes en rang d'oignon accomplir leurs exercices au rythme des vociférations d'un(e) coach(e) bodybuildé(e).

Les 3 premières semaines ont donc été consacrée à la découverte de cet espace urbain, à la rencontre des amies d'Irène et à quelques heures de télé, histoire d'halluciner sur la Trash TV américaine. Je pourrais consacrer des pages entières à vous décrire le degré de débilité et de bassesse de ces programmes, entrecoupés toutes les 10 minutes d'au moins 5 minutes de publibité. Deux des programmes les plus dingues consistent à faire des tests ADN en direct pour des reconnaissance en paternité pour l'un et pour l'autre à réveler en direct le produit des recherches d'un détective privé spécialisé dans les adultères. Il y a aussi les chaines qui diffusent en boucle des poursuites automobiles et des arrestations en direct, voire des émeutes dans les pénitenciers US les plus dangereux.

J'ai regardé tout cela avec curiosité, puis avec écoeurement, tant le but final de tout cela m'apparaît évident : faire accepter à tous cette société de contrôle et la privation de liberté qui en découle. L'ennemi n'est pas un état totalitaire à l'ancienne mais plutôt la somme des intérêts de l'hyper-capital.

Tout cela pourrait vous paraître bien triste, si il n'y avait pas l'espoir et les ressources infinies de l'esprit et du coeur humain. Je profite donc de ce voyage pour digérer et mettre en pratique toutes les prises de conscience et tous les chemins entrevus ces derniers mois grâce vous tous. C'est pour cela que j'ai décliné 2 offres d'emplois "sérieux" (construire du pavillon à 25 $ de l'heure) pour finalement arriver sur ce ptit coin de table d'où je vous écrit. Je suis sur une petite île, Read Island, au sein d'une famille qui exploite un petit business d'éco-tourisme, dont je fais la promo, ici.

Lanny, Ralf et leurs deux enfants, Emily et Albert, vivent ici depuis plus de 20 ans, ont vécu longtemps sans électricité et ont bâti leur petit paradis avec peu d'argent mais beaucoup de d'intelligence et de coeur. Ils ont du faire preuve d'une grande inventivité et d'une grande persévérance pour mettre en pratique leur désir de vivre au contact de la nature. Sans être riche, ils vivent tranquillement de leurs expéditions en kayak et du ramassage des huitres, qui trouvent dans ces îles abritées des vagues un environnement idéal pour croître.

Me voilà donc WWOOFer, pour celles et ceux qui ne le savent pas encore, le WWOOFing est un programme de volontariat destiné à promouvoir les activités en lien avec l'agriculture bio, l'éco tourisme ou la préservation d'espaces naturels. C'est un moyen intelligent et utile de voyager dans le monde entier, car le WWOOFer est nourri et logé et peut souvent se faire un peu d'argent ou profiter des facilités et des activités présentes sur son lieu de travail. Par exemple, je peux vendre toutes les huîtres que je ramasse et faire des balades en kayaks chaque semaine (je fais la première demain).

Mes journées de travail ne sont pas sous-tendues par une relation d'argent ou de subordination et je suis libre de choisir mes tâches, en accord avec Lanny, la Boss de la famille et de la petite entreprise. Au menu, charpente, placo, plomberie, peinture, jardinage bio, installations solaires avec Ralf, super fier de sa mini station hydroélectrique et de ses panneaux solaires. Les journées sont bien remplies, mais l'ambiance est super relax, les repas végétariens sont succulents et les paysages magnifiques. Le soir évidemment, pas de bars ou de télé, mais un sauna au feu de bois et un bon bouquin, idéal quand on veut remettre un peu de rythme, de santé et d'ordre dans sa vie.

Il y a beaucoup à apprendre de cette petite communauté, de ces îliens qui ont souvent tout bâti de leurs propres mains mais qui gardent un contact et une réflexion très intéressante sur notre société. La plupart ont commencé à manger Bio avant même que le terme ne soit inventé, et tous ont suivi un instinct, une démarche de mise en cohérence de leurs actes avec leurs principes et valeurs. Les réussites sont inégales, le bonheur parfait n'existant pas, mais c'est à la fois apaisant et vivifiant d'être au contact de ces gens.


J'aurais probablement des millions d'autres choses à vous raconter, mais j'abuserais sûrement de votre patience. Je garde ces dernières lignes pour vous envoyer toutes les pensées et émotions qui ne manquent pas de ressurgir quand je pense à vous, quand vous m'apparaissez pour quelques instants aux détour d'une phrase ou d'une image qui fait ressugir votre présence. Je vous embrasse tous et toutes très fort, en espérant partager un jour toutes les belles surprises de ce voyage.

François.

Publié dans Read Island

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M
<br /> Salut François,<br /> je viens de passer près de deux heures à admirer tes photos et à boire tes paroles et tes mots. En période d'examens, ce n'est pas raisonnable mais ça en valait le coup! C'est magnifique. Je me<br /> sens emportée dans ton univers, qui m'attire tellement. En septembre prochain, je m'envolerai moi aussi pour le Canada et les récits de ton expérience m'inspirent beaucoup. Merci de nous faire<br /> partager tout ça.<br /> <br /> <br />
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